19/05/2022

Le tableau de bord Justice de la Commission européenne mesure chaque année l'efficacité, la qualité et l'indépendance du système judiciaire dans les 27 États membres de l'UE. Sur base de chiffres comparatifs, les États membres peuvent évaluer leur fonctionnement judiciaire. La dixième édition a été publiée ce 19 mai et porte sur l'année 2021.

La Cour de cassation, le Collège des cours et tribunaux et le service public fédéral Justice présentent les réalisations et les chantiers les plus importants pour notre pays. Dans l'ensemble, il existe encore une marge de progression en termes de numérisation. Notre pays obtient un score moyen en termes de qualité et de confiance. En termes d'accessibilité, nous obtenons un score relativement bon. Dans d'autres domaines, les données manquent pour évaluer la politique. En ce qui concerne le financement, les chiffres évoluent, de manière légère, positivement.

Lancement du portail numérique

Grâce à un nouveau portail en ligne et aux sites web existants des différents acteurs de la Justice, la Belgique a été l'un des meilleurs États membres en termes d’offres d'informations en ligne ces dernières années.
En 2021, nous obtenons un score légèrement inférieur car de nombreux nouveaux aspects sont évalués dans cette édition.

Avec Just-On-Web, la Justice a lancé en octobre 2021 un portail totalement dédié aux services numériques liés à la Justice.

Au départ, la gestion des amendes était principalement gérée de manière numérique via la plateforme. Et cela avec succès : le Service de la simplification administrative a calculé que l'envoi et le recouvrement des amendes routières par voie numérique permettent d'économiser 35 millions d'euros en frais administratifs. Les résultats tangibles de la réduction du papier, du gain de temps, de l'amélioration de la collecte et de la sécurité routière ont permis à ce projet de numérisation de remporter plusieurs prix ces dernières années.

Entre-temps, les citoyens et les professionnels peuvent également accéder à de nombreux autres services, fichiers et données sur Just-On-Web. Cet éventail ne fera que s'élargir dans les mois et les années à venir.

Just-On-Web se divise en deux sections principales :

  • Dans MyJustice, vous trouverez des informations sur une affaire individuelle (jugement), une amende, un dossier de protection judiciaire, etc.
  • Dans JustSearch, vous pouvez rechercher des informations publiques telles que les coordonnées d'un tribunal ou d'un parquet, des traducteurs, interprètes ou experts judiciaires officiellement reconnus (pour ces experts, les utilisateurs peuvent désormais trouver facilement et de manière fiable plus de 4 500 professionnels sur Just-On-Web), etc.

En ce qui concerne la sensibilisation, le tableau de bord indique que la Belgique pourrait faire davantage pour promouvoir les formes alternatives de résolution des conflits. A cet égard, l'initiative récente du tribunal de la famille d'Anvers est louable : avec une charte, on passe d’un modèle de conflit à un modèle de participation, pour trouver ensemble une solution dans l'intérêt de tous. Elle s'accompagne d'un premier entretien gratuit et d'une assistance juridique à la médiation, ce qui abaisse les seuils financiers. La Commission fédérale de médiation continue également à travailler sur une sensibilisation annuelle et continue la médiation.

Base de données des jugements en cours d'élaboration

La Belgique ne figure pas (encore) parmi les meilleurs pays en ce qui concerne l'accessibilité en ligne des décisions de justice. Le nombre de jugements déjà disponibles numériquement via Just-On-Web est encore limité : il ne s'agit actuellement que des jugements récents des tribunaux de police. Toutefois, pour ces seules affaires, nous parlons d'un volume d'environ 250 000 jugements par an. Toujours sur Juportal, l'offre de jurisprudence est actuellement encore limitée.

La Justice poursuit, par conséquent, ses efforts pour rendre progressivement tous les jugements et décisions disponibles sous forme numérique. Le 25 mars 2021, le Conseil des ministres a approuvé le projet de loi qui crée un cadre juridique permettant de proposer tous les arrêts des cours d'appel, bien que pseudonymisés, via une seule plateforme en ligne. Le Conseil d'État et l'Autorité de protection des données se penchent également sur ce projet. Le déploiement se fera par étapes et permettra à terme une plus grande efficacité et une meilleure analyse. Depuis 2021, les jugements peuvent déjà être envoyés numériquement aux parties concernées.

Des procédures judiciaires de plus en plus numériques

Bien entendu, la gestion numérique des affaires juridiques ne se limite pas au jugement final. Ces dernières années, la numérisation a progressé rapidement, en particulier dans les premières phases du processus judiciaire. Il suffit de penser à e-deposit : grâce à ce système, les avocats et les citoyens peuvent déposer des pièces, des conclusions et des courriers par voie numérique depuis 2018, mais aussi des requêtes depuis 2021. Entre-temps, cette méthode de travail a été fermement établie dans tous les tribunaux civils. D'ici la fin de l'année 2022, toutes les juridictions pénales devraient faire de même.

En 2021, 1,1 million de documents auront été déposés numériquement dans les cours et tribunaux de notre pays. Cela signifie qu'un dépôt sur quatre est déjà effectué par voie numérique. La crise du coronavirus a entraîné des ajustements du fonctionnement et une stimulation supplémentaire de la numérisation, avec des pointes locales : au greffe de la Cour d'appel d'Anvers, par exemple, 75% des requêtes sont déjà déposées numériquement. Il existe donc encore une forte marge de croissance au niveau national, ce qui se reflète également dans les chiffres du tableau de bord.

La poursuite du déploiement de JustConsult, qui permet aux avocats, aux détenus et aux citoyens d'accéder numériquement à leur casier judiciaire, a également porté ses fruits, permettant d'économiser 80 000 euros de frais de transport par an et améliore le service aux avocats.

Investir dans les coulisses

S'appuyer sur une meilleure prestation de services numériques pour l'extérieur va également de pair avec des investissements en interne. Le SPF Justice a lancé Jupiter en 2021, un programme ambitieux qui investit dans les services informatiques internes afin qu'ils puissent garantir un meilleur service. Parallèlement, les agents bénéficient d'un équipement moderne et de qualité : par exemple, depuis 2022, tout le monde au SPF Justice travaille avec Microsoft 365 et plus de 9000 collègues ont reçu un nouvel ordinateur portable.

Outre cet élan technologique, l'employer branding est également amélioré afin de garantir que le SPF Justice dispose des talents dont il a besoin. La campagne de recrutement "C’est just." a déjà suscité des centaines de candidatures pour des postes vacants dans les domaines de l'informatique et des soins à la fin de l'année dernière. En parallèle, l’ordre judiciaire s'efforce également d'attirer du sang neuf : la campagne #deviensmagistrat des deux Collèges est très présente sur les médias sociaux. Le tableau de bord indique également que l'offre belge de formation en communication pour les juges a augmenté de manière significative depuis 2021.

Le renforcement est donc le bienvenu : dans la magistrature, par exemple, la Belgique obtient toujours un score relativement bas en termes de nombre de juges par habitant. Ces dernières années, les entrées dans la magistrature ont augmenté (de 10 560 employés en 2019, à 10 781 en 2020 et 11 085 en 2021) mais les départs sont également restés importants. Le Collège des cours et tribunaux souligne qu'un manque de postes vacants peut entraver l'afflux, compromettant ainsi la rentabilité des investissements antérieurs.

Outre le personnel, la Belgique obtient également des résultats historiquement moyens à plutôt bas par rapport aux autres États membres lorsqu'il s'agit d'investir dans la Justice : si nous plaçons le budget de la Justice par rapport au produit national brut, nous nous classons toujours au 7e rang de l'UE (un cran au-dessus de 2020). En 2021, le ministre Van Quickenborne a annoncé une injection financière de près d'un demi-milliard d'euros d'ici 2024. Cependant, les besoins restent élevés. Le Ministère Public souligne l'urgence d'un budget supplémentaire (tant en termes de ressources que de personnes), notamment au sein de la police judiciaire fédérale, afin de pouvoir faire face à la lutte contre le crime organisé et garantir une sécurité maximale. Les pourparlers sur les investissements dans la Justice se poursuivent.

Inclusion d'abord

L'accessibilité relativement forte de la Justice est confirmée dans le tableau de bord par le faible coût moyen d'entrée pour entamer une procédure judiciaire. La Belgique obtient actuellement un score moyen en termes d'accès à l'assistance juridique de deuxième ligne (partiellement) gratuite, mais ce seuil pour le pro bono sera encore abaissé dans les années à venir et lié à l'indice des prix à la consommation. L'accessibilité de la Justice est et restera un fer de lance pour les différents acteurs. Fin 2021, ce fut le thème de plusieurs colloques du SPF Justice. La collaboration du SPF Justice à la recherche scientifique sur "Justice et pauvreté" par le SPF Sécurité sociale souligne également cet engagement.

Avec ces initiatives, le SPF Justice veut étudier comment la Justice en Belgique peut devenir plus inclusive et accessible, surtout à l'heure de la numérisation poussée. Diverses initiatives de l’ordre judiciaire démontrent l'importance de l'accessibilité des services : il suffit de penser, pour la protection des personnes, au point d'appui ouest-flamand des justices de paix locales, du secteur des soins et de l'ordre des avocats. Ce point d'appui, lancé en janvier 2022, répond à certaines des recommandations du Conseil supérieur de la Justice et de l'asbl SAM. Depuis un certain temps déjà, ils martèlent la nécessité d'une plus grande coopération entre la Justice et le secteur des services sociaux dans le contexte de la protection des personnes. La réception multidisciplinaire dans le Vlinderpaleis d'Anvers démontre également l'importance d'un soutien étroit.

Fracture numérique à l’œil

Les citoyens qui ne sont pas familiers avec le numérique peuvent également se rendre dans l'un des 600 kiosques PC installés dans les tribunaux. Avec l'appui d'un membre du greffe, ils peuvent consulter tous les outils en ligne de la Justice.

L'un de ces nouveaux outils en ligne est particulièrement destiné aux personnes les plus vulnérables de notre société : les personnes qui ont besoin d'une protection judiciaire et qui sont placées sous administration. Depuis le 1er juin 2021, ces dossiers peuvent être gérés numériquement, ce qui signifie moins de bureaucratie, plus de gain de temps et une meilleure vision d'ensemble. Cette numérisation, combinée à des services physiques locaux (comme dans le projet ouest-flamand Steunpunt Bemiddeling, voir ci-dessus), constitue une avancée importante dans le suivi et l'accompagnement des personnes vulnérables.

Langage clair

La Justice poursuit ses efforts pour communiquer de manière accessible : le Conseil supérieur de la Justice a déjà lancé le projet Épices en 2018 dans le but de "pimenter la Justice avec un langage accessible". Ces dernières années, l’ordre judiciaire et le SPF Justice ont beaucoup investi dans le remaniement des lettres aux citoyens. Cette année encore, les lettres adressées aux victimes font l'objet d'un examen approfondi.

Le citoyen a droit à une information claire et personnalisée. Par exemple, lorsque le tribunal de la famille invite les enfants à être entendus dans le cadre d'une procédure de divorce, ils reçoivent une lettre qu'ils peuvent comprendre. Grâce à ces initiatives, la Belgique obtient, année après année, un score relativement élevé dans le tableau de bord en termes d'accès des enfants à la Justice, par rapport à d'autres pays. Surtout lorsqu'il s'agit de traiter avec des mineurs en tant que victimes, suspects ou accusés. La Belgique obtient également de bons résultats pour un nouveau paramètre, l'accessibilité de la Justice aux personnes en situation de handicap  : nous sommes dans le top 5 dans ce domaine.

Les angles morts

Sur certains critères, il est difficile d'estimer l'état des lieux de la Justice belge, car les données sur ces domaines font malheureusement défaut. Cela est dû au nombre élevé d'entités différentes travaillant avec des méthodes de comptage différentes. Un projet européen a été lancé pour remédier à ce problème à long terme. En ce qui concerne les évaluations internes également, des améliorations sont encore possibles. Le Conseil supérieur de la Justice s'est en tous cas déjà engagé dans son plan pluriannuel (2021-2024) à évaluer plus intensivement le fonctionnement de la Justice (par exemple au niveau des tribunaux de la famille et de l'approche des violences sexuelles).

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